«La chose en soi est toute simple. Un matin, un samedi matin tôt, après une semaine normale, éprouvante, vous êtes dans votre lit, fatigué, tenté de ne pas bouger, de vous laisser mourir, de rester une pierre. Mais, malgré l’heure matinale, malgré la fatigue du diner tard la veille, vous vous levez, au radar, vous faites votre sac, au radar, et sur votre vélo vous prenez un premier bol d’air frais qui vous réveille, un peu.»
« La gare, le TGV de sept heures moins dix, le petit-déjeuner à la voiture-bar, vous roulez vers la Bretagne encore dans la brume, vous-même et la Bretagne encore dans la brume. Un peu après neuf heures arrivée à Redon. Il pleut des cordes.»
« Vous n’avez pas froid, vous portez un ciré, vous vous sentez bien,sorti de votre fatigue, sorti de la ville, à peine abrité par le feuillage, tout seul sous cette pluie bretonne dans le petit matin, vous jubilez de l’incongruité du moment, vous pensez à tous vos semblables parisiens écrasés sur leur lit, sur qui ces heures ont passé sans rien en vivre, alors que vous…»
« Sûr que si vous n’étiez pas seul, le grotesque de la situation – vous être levé à l’aube, avoir traversé la France pour ça ! – vous embarrasserait. Mais vous êtes seul, vous vous en fichez pas mal, vous savez que cela va s’arranger, et même si cela ne s’arrange pas, vous êtes bien.»
La grande vie – Thierry Consigny